PASSEPORT COHEN
Conseiller juridique du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, Albert Cohen a été chargé de l'élaboration de l'Accord international du 15 octobre 1946
Texte relatif à la protection des réfugiés et notamment la délivrance d'un titre de voyage. Repris dans la Convention internationale relative au statut des réfugiés adoptée à Genève le 28 juillet 1951, ce texte est toujours en vigueur. Ce passeport d'aspect « presque luxueux » inspirant le respect dû à son porteur était pour lui un véritable motif de fierté. Cet engagement en faveur de la juste application du droit à toutes les personnes fussent-elles étrangères et donc plus vulnérables apparaît déjà au travers de ses oeuvres autobiographiques comme : « Ô vous, frères humains » (1972) et « Carnets 78 » (1979).
Extraits de la Conférence de l'Office International des Réfugiés / GENEVE, JANVIER 1949
Exposé présenté à la Commission de l'éligibilité et de la protection
Annexe au rapport de M. Albert Cohen, Directeur de la Division de la Protection
Vous savez qu'aux termes de l'article 2 de sa constitution, l'OIR doit assurer la protection juridique et politique des réfugiés qui relèvent de sa compétence (…)
Le réfugié, lorsqu'il est apatride de droit ou de fait (et c'est le plus souvent le cas) est soumis à un triple handicap :
Le premier handicap (…) consiste en ce que le réfugié est partout, où qu'il se trouve, un étranger (et c'est une condition qui par elle-même comporte toujours des désavantages). Il n'a pas cet ultime recours qui est toujours ouvert à l'étranger « normal » : le retour au pays natal. (…)
Deuxième handicap : non seulement le réfugié est partout un étranger, mais encore il est un étranger non protégé. Il ne peut, à l'encontre des étrangers ressortissant d'un État national, avoir recours à la protection diplomatique et consulaire. Il n'a pas de gouvernement derrière lui. Il n'y a pas, derrière lui, invisible et puissante, la force d'une collectivité nationale qui l'accompagne. Il n'est pas une des cellules d'un grand corps social. Il est un « isolé » (…)
Troisième handicap : cet homme qui est un étranger partout et un étranger non protégé est le plus souvent un malheureux, une épave. Il vit dans des conditions matérielles et morales particulièrement difficiles. (…) Il est démuni des ressources et ne peut avoir recours aux diverses formes d'assistance qu'un État dispense à ses ressortissants. Il a personnellement connu dans le passé des périodes douloureuses. Il a été fréquemment frappé dans ses affections familiales. Il est parfois en butte à la suspicion ou au mépris qui s'attachent facilement aux étrangers démunis de protection. C'est un fait incontestable de psychologie collective que le comportement d'une communauté autochtone diffère selon (…)
« S'il est un être humain qui a besoin de protection c'est bien le réfugié. Nous ne sommes pas un Etat … mais tout ce que nous pouvons faire, nous le faisons »